Intérêts de la végétalisation d’une toiture‑terrasse
Alors que les villes s’étendent toujours un peu plus, accompagnées de leurs lots de bitume et de béton imperméabilisant la surface et réduisant les espaces naturels à leur portion congrue, le concept de la végétalisation de toiture véhicule une image écologique, esthétique et ludique qui cache une véritable technicité et des intérêts réels.
Une toiture végétalisée est un véritable espace vert installé en toiture. Elle comprend donc un substrat de croissance et des plantes mais également des éléments de protection de la toiture. Généralement une toiture végétalisée se compose de :
(classement par ordre chronologique d’installation)
• La structure du toit,
• Un matériau pare‑vapeur,
• Une couche d’isolant,
• Une membrane imperméable de couverture comportant un agent anti‑racines,
• Une couche de drainage spécialisé, qui comprend parfois des réservoirs d’eau intégrés,
• Un tissu ou support filtrant pour contenir les racines et le substrat tout en laissant pénétrer l’eau,
• Un substrat de croissance fabriqué, parfois sans terre,
• Les plantes, choisies en fonction de certaines applications.
L’importance de chaque élément peut être légèrement modifiée selon la technique choisie. En effet, plusieurs formes de végétalisation de toiture sont réalisables selon l’objectif recherché : la végétalisation intensive ou la végétalisation extensive.
La végétalisation intensive
La végétalisation intensive est une technique qui conduit à la réalisation d’une toiture‑terrasse jardin. Techniquement, la réalisation d’une terrasse‑jardin traditionnelle diffère peu de celle d’un espace vert au sol. Ces installations sont donc en général plus complexes et accessibles pour réaliser leur entretien.
Le substrat de croissance se compose principalement de terre. Sa profondeur oscille entre 20 et 60 cm et son poids saturé d’eau, entre 500 et 900 kg/m2. En raison de la profondeur supérieure du sol, le choix de plantes est plus varié et peut comprendre des arbres et des arbustes d’où le développement d’un écosystème plus complet. L’entretien et en particulier l’arrosage sont plus exigeants et plus fréquents et il faut prévoir des systèmes d’irrigation. À cause du poids élevé de l’installation, cette technique ne peut être réalisée que sur des supports en béton en pente inférieure à 5%.
La végétalisation extensive
À l’opposé de la végétalisation intensive, les toitures végétalisées extensives font appel à la notion de tapis végétal. Les systèmes de végétalisation extensive constituent un tapis végétal permanent qui s’adapte progressivement à son milieu et fonctionne de façon quasi autonome. Ce tapis est obtenu par une association de plantes spécialement adaptées qui se reproduisent in situ. Les moyens de culture sont minimes et la liste des plantes compatibles est plutôt restreinte : mousses, plantes succulentes, graminées… Ce sont le plus souvent des plantes de faible hauteur, indigènes, rustiques de type alpin.
Ces toitures ont en général un substrat, un terreau minéral composé de sable, de gravier, de briques concassées, de billes d’argile expansé, de tourbe, de matières organiques et d’un peu de terre, qui mesure entre 5 et 10 cm de profondeur et pèse entre 60 et 160 kg/m2 lorsqu’il est saturé d’eau. En général, l’entretien se résume à deux visites annuelles pour désherber et inspecter la membrane d’étanchéité. Ces toitures plutôt légères sont applicables sur tous les supports même les plus légers (béton, bois, acier).
Mais certains facteurs comme l’emplacement, la capacité structurelle de l’immeuble, le budget, les besoins du client et la disponibilité des matériaux et des plantes, conféreront un caractère unique à la toiture végétalisée qui, au final, peut combiner les systèmes intensif et extensif. En France, cette troisième catégorie est appelée la végétalisation semi‑intensive.
La végétalisation semi‑intensive
Il s’agit d’une « amélioration » de la terrasse‑jardin, dans la mesure où les matériaux de culture sont dûment sélectionnés. Le choix des végétaux et la conception d’ensemble s’orientent vers un entretien plus limité que dans la solution traditionnelle mais plus contraignant que pour la végétalisation extensive. Les systèmes de végétalisation semi‑intensive permettent une large utilisation de la palette végétale procurant floraisons, volumes, couleurs, odeurs et sont assujettis à un entretien régulier. Les plantes sont le plus souvent des graminées, plantes vivaces et arbustes agissants ou de faibles hauteurs. On utilise de préférence des espèces à développement fort et dense et résistantes au gel mais les monocultures sont à proscrire.
L’épaisseur du substrat ne dépasse pas 30 cm et son poids oscille entre 150 et 350 kg/m2. Comme les végétalisations extensives, les végétalisations semi‑intensives sont réalisées généralement sur de grandes surfaces.
La végétalisation de toiture ne constitue pas un phénomène nouveau. Il s’agit d’une méthode de construction que de nombreux pays ont adoptée depuis des centaines voire des milliers d’années pour les excellentes qualités isolantes des couches de terre et de végétation et les qualités décoratives. Dans les climats froids de l’Islande et de la Scandinavie, les toits de gazon contribuent à garder les immeubles au chaud, alors que dans les climats chauds comme celui de la Tanzanie ils contribuent à les garder au frais.
Dans les années 20, la généralisation du béton armé dans les constructions et l’apparition de toitures plates a fait naître l’idée des terrasses‑jardins.
Dans les années 1970‑80, les préoccupations croissantes que soulevaient la dégradation de la qualité du milieu et la raréfaction rapide des espaces verts dans les villes ont ravivé l’intérêt à l’égard des toitures végétalisées en tant que solution écologique en Europe du Nord. De nouvelles études techniques ont été menées, depuis celles sur les agents anti‑racines, les membranes, le drainage et les substrats de croissance légers jusqu’aux études sur la pertinence de certaines plantes. L’idée de réduire l’entretien des installations a débouché sur des techniques permettant de développer des systèmes autonomes : la végétalisation extensive était née.
C’est en Allemagne, que le marché des toitures végétalisées a connu une forte expansion dans les années 1980, sa croissance annuelle atteignant alors entre 15 et 20% et le nombre de mètres carrés installés passant d’un à dix millions. Une grande partie de cette croissance résulte de lois adoptées par l’État et de subventions municipales.
Situation Européenne actuelle
Aujourd’hui le marché allemand est estimé à 14 millions de mètres carrés par an pour un marché de l’étanchéité de 80 millions de m2. 80 à 90% des installations allemandes sont de la végétalisation extensive. Plus de 40% des villes proposent des incitations financières pour le développement des toitures végétalisées. À Berlin, par exemple, la ville prend à sa charge 60% des dépenses liées aux toitures végétalisées et à l’installation de traitement de l’eau de pluie. Stuttgart exige quant à elle l’application de cette technologie à toutes les toitures‑terrasses de nouveaux immeubles industriels.
D’autres pays européens ont adopté des mesures incitatives analogues. En Suisse, la ville de Bâle subventionne la végétalisation extensive de toiture sur son territoire à hauteur de 40% et se fixe comme objectif la végétalisation annuelle de 20.000 à 30.000 m2 de toitures. Alors qu’à Zurich les maîtres d’ouvrage ont l’obligation de végétaliser toute nouvelle terrasse plate.
Vienne prévoit également des subventions pour la construction de toits verts pour les nouveaux immeubles au moment de la planification, de l’installation et trois ans après la construction, afin d’en assurer l’entretien à long terme.
Actuellement, plus de 75 municipalités européennes proposent des mesures incitatives ou des règlements pour l’installation de toitures végétalisées.
Situation en France
En France, le concept de végétalisation de toitures est porté par les industriels de l’étanchéité. Les toitures terrasse‑jardin sont majoritaires avec un marché annuel de 2 millions de m2 en 2004 sur un marché total de l’étanchéité estimé à 20 millions de m2 par an.
La toiture végétale extensive s’est en revanche développée très lentement durant la décennie 90 : +400.000 m2 seulement de végétalisation extensive entre 1990 et 2000. Mais, elle connaît une nette progression : selon le CSTB, 300.000 m2 de toitures végétalisées ont été installées en 2006 contre 65.000 m2 en 2002. 90% des installations sont réalisées dans le neuf. La rénovation est souvent pénalisée pour les toitures légères déjà existantes qui ne supporteraient pas la surcharge. Dans le cas du neuf, tous les types de toitures sont sollicités : béton, acier, bois. Le marché français concerne essentiellement le tertiaire dont les toitures sont généralement plates ou à faible pente.
Le marché est par ailleurs porté par le secteur public qui est à l’origine de 75% des toitures végétalisées. La technique s’adresse pourtant aussi bien aux constructions des particuliers qu’aux bâtiments commerciaux, professionnels, collectifs et administratifs.
Le regain d’intérêt pour la végétalisation de toiture résulte d’une prise de conscience environnementale. Les toitures végétalisées entrent en phase avec les attentes de la société française et la technique a trouvé un terrain de développement à travers la démarche HQE®.
Toutefois cette technique reste très peu connue en France alors que les intérêts sont loin d’être négligeables. L’une des plus précieuses qualités des toitures végétalisées est qu’elles combinent de nombreux avantages sociaux, économiques et environnementaux. Si bon nombre de ces avantages font encore l’objet d’études dans diverses zones climatiques par l’utilisation d’essais in‑situ et d’outils de modélisation, plusieurs installations exemplaires ont déjà révélé l’intérêt des toitures végétalisées.
Écologique, esthétique et économique, la végétalisation extensive participe au développement de la nature dans la ville, notamment dans le cadre d’une démarche environnementale.
Elle offre de nombreux avantages:
- augmentation de la durée de vie de l’étanchéité,
- protection thermique et phonique,
- régulation du confort thermique,
- contribution à la biodiversité et l’intégration du bâtiment dans l’environnement urbain et réduction de la surcharge ponctuelle des réseaux d’assainissement et des volumes d’eau à traiter.
Son écosystème en circuit fermé produit peu de déchets et rend son entretien modéré. La mise en place d’un système de végétalisation extensive est possible en construction neuve et en réhabilitation sur tous les supports porteurs (béton, acier, bois) et adaptable aux toitures plates, à faible ou forte pente.